La cité diaphane d’Anouck Faure

Un conte d’amour et de mort

J’attendais depuis si longtemps de trouver un récit qui saurait capter l’essence des jeux From software que j’avais fini par désespérer puis j’ai commencé à entendre parler de la cité diaphane, un roman de fantasy qui serait le digne héritiers de la dark fantasy façon Miyazaki.

Et le moins que l’on puisse dire c’est qu’Anouck Faure est parfaitement parvenu à retranscrire l’imaginaire sombre et mélancolique du studio. Visuellement d’abord, avec cette cité de Roche- Étoile à l’architecture vertigineuse, aux ruelles labyrinthiques où seules règnent la désolation et la folie. Les gravures incluses dans l’ouvrage aident à se faire une idée de l’univers dantesque dans lequel l’autrice nous entraîne.

Mais le récit ne se contente pas d’emprunter la folie graphique de From Software. La narration, portée par une plume délicate et poétique, se joue du lecteur, se veut cryptique, en dit parfois trop sans jamais en dire assez. Au lecteur de faire la part des choses avec cette narration qui se joue de lui tout comme la destinée se joue des personnages. Il faudra échafauder ses propres hypothèses sur les mystères de cet univers enchanteur qui demeurent nombreux une fois la dernière page refermée.

L’autrice brode sur les mêmes thèmes que ceux développées tout au long de la saga From software. Le destin dans tout ce qu’il peut avoir de fatal, la malédiction de l’héritage, la corruption du pouvoir, l’obsession pour ce même pouvoir, la folie, les transformations physiques monstrueuses, la question du genre, sans oublier un petit morceau d’horreur lovecraftienne parce que cela fait toujours du bien. Tant de thèmes que l’autrice est parvenu à condenser sans que cela ne fasse de son récit une œuvre scolaire.

La cité diaphane apparaît comme un récit maîtrisé, référencé mais aussi personnel, astucieux dans sa narration et empreint d’une plume poétique. La première pierre d’un édifice littéraire que l’on espère majestueux.

Résumé :

Merveille architecturale élancée vers le ciel, Roche-Étoile a connu la splendeur et la chute. La cité sainte de la déesse sans visage est maudite, réduite à l’état de nécropole brumeuse depuis que les eaux de son lac et de ses puits se sont changées en poison mortel.

Sept ans après le drame, l’archiviste d’un royaume voisin se rend dans la cité défunte avec pour mission de reconstituer le récit de ses derniers jours. Mais il s’avère bientôt que Roche-Étoile abrite encore quelques âmes, en proie à la souffrance ou à la folie, et celles-ci ne semblent guère disposées à livrer leur témoignage.

Un jeu de dupe commence alors entre l’archiviste et ces esprits égarés, dans les dédales d’une cité où la vérité ne se dessine qu’en clair-obscur, où dénouer la toile du passé peut vite devenir un piège cruel.

Éditeur ‎Argyll éditions; Illustrated édition (3 février 2023)
Langue ‎Français
Broché ‎272 pages
ISBN-10 ‎2492403696
ISBN-13 ‎978-2492403699

Petit pays de Gaël Faye

Enfance massacrée

Il était temps que je lise ce roman qui a fait sensation lors de sa parution en 2016. Petit pays nous conte l’enfance de Gabriel au Burundi, un pays qui va être sévèrement frappé par les jeux sanglants des grandes personnes.

La narration nous invite à vivre l’intrigue par les yeux de Gabriel, son enfance dans un quartier aisé, sa famille qui se déchire lentement. C’est à sa hauteur d’enfant innocent que l’on va prendre conscience de la tension politique et ethnique qui secoue le pays. Aidé d’une plume dynamique, qui interpelle et accroche, les souvenirs de Gabriel prennent vie dans l’esprit de lecteur.

Hélas ce choix de narration entraîne aussi des ellipses dans la narration, certains aspects de l’intrigue demeurent inconnus ou flous comme la séparation des parents de Gabriel, d’autres manquent de développement, certains personnages ne sont jamais nommés, comme les jumeaux amis de Gabriel. Il en résulte un récit touchant par les souvenirs qu’il invoque mais qui manquent de consistance et de développement.

Malgré cet aspect le récit n’en demeure pas moins un puissant exercice de mémoire, certains passages restent en mémoire de par l’effroi qu’il provoque.

Petit pays est un récit touchant sur la mort de l’enfance en temps de guerre mais qui, par ses choix de narration, n’approfondit pas suffisamment son sujet.

Résumé : En 1992, Gabriel, dix ans, vit au Burundi avec son père français, entrepreneur, sa mère rwandaise et sa petite sœur, Ana, dans un confortable quartier d’expatriés. Gabriel passe le plus clair de son temps avec ses copains, une joyeuse bande occupée à faire les quatre cents coups. Un quotidien paisible, une enfance douce qui vont se disloquer en même temps que ce « petit pays » d’Afrique brutalement malmené par l’Histoire. Gabriel voit avec inquiétude ses parents se séparer, puis la guerre civile se profiler, suivie du drame rwandais. Le quartier est bouleversé. Par vagues successives, la violence l’envahit, l’imprègne, et tout bascule. Gabriel se croyait un enfant, il va se découvrir métis, Tutsi, Français…

Éditeur ‎Grasset; 1er édition (24 août 2016)
Langue ‎Français
Broché ‎224 pages
ISBN-10 ‎2246857333
ISBN-13 ‎978-2246857334

La femme qui en savait trop de Marie Benedict

Toutes les guerrières ne portent pas l’uniforme

Hedy Lamarr, un nom qui a brillé sur les affiches de films Hollywoodien pendant 20 ans, mais qui m’était encore complètement inconnu jusqu’à tout récemment. Une femme au destin exceptionnel qui nous est conté dans cette biographie romancée. 

Véritable héroïne de son histoire, Hedy nous est présentée sous son meilleur jour, le récit occulte les épisodes les plus honteux de sa vie. Dans un style simple, sans fioritures, qui le rend très accessible, l’autrice revient sur les moments les plus marquants de la vie d’Hedy, ceux qui ont forgé sa légende. 

À travers des chapitres aux ellipses savamment dosées, l’autrice brosse le portrait d’une femme qui ne laissera ni les hommes, ni la société, ni le contexte historique et encore moins le fascisme lui dicter sa conduite. Son aura magnétique, sa vive intelligence et sa détermination sans failles révèle une femme prête à relever tous les défis. Un modèle de féminité assumée qui prend vie au fil des pages.

Sujet central de l’ouvrage, Hedy est de toutes les pages, de toutes les scènes. Sa psychologie est parfaitement décrite par l’autrice, on comprend les raisons qui la poussent à agir ainsi, ses états d’âme, son désarroi face à la cruauté de la guerre. Sa volonté d’apporter sa pierre à l’édifice à l’effort de guerre avec cette invention révolutionnaire qui finira par changer nos vies. 

Ce récit offre une entrée en matière idéale pour qui voudrait partir à la découverte de l’une des figures les plus fascinantes du cinéma. Une mise en bouche que je vais m’empresser de compléter avec son autobiographie afin d’avoir un aperçu complet de la vie de cette grande dame.

Résumé : En 1933, à 19 ans, Hedy Kiesler, séduisante actrice viennoise d’origine juive, épouse Friedrich Mandl, un riche marchand d’armes proche de Mussolini. Conscients de la menace qui vient d’Allemagne, ses parents cherchent, par ce mariage, à la protéger, quitte à accepter pour cela une conversion au catholicisme. Malheureusement, Mandl s’avère être un homme possessif et opportuniste. D’abord opposé à l’Anschluss, il finit par retourner sa veste et obtient les faveurs de Hitler. Horrifiée, Hedy décide de s’enfuir.
Installée aux États-Unis, elle rencontre le directeur de la MGM et devient sous ses mains Hedy Lamarr, superstar hollywoodienne. Malgré le faste et les mondanités, elle ne peut cependant oublier l’Europe et décide de contribuer à sa façon à l’effort de guerre. Grâce à son intelligence et avec l’aide d’un musicien, elle conçoit un système de codage des transmissions révolutionnaire – technologie qui sera à l’origine, entre autres, du Wifi et de nos téléphones portables. Mais comment accorder le moindre crédit scientifique à la plus belle femme du monde, d’origine autrichienne de surcroît ?
Dans ce récit à la première personne, Marie Benedict redonne vie à une femme hors du commun, dont le plus grand rôle fut oublié, voire ignoré, durant des décennies…

Éditeur ‎10 X 18 (7 octobre 2021)
Langue ‎Français
Poche ‎336 pages
ISBN-10 ‎2264078138
ISBN-13 ‎978-2264078131

La dernière ville sur terre de Thomas Mullen

Guerre, grippe et grève

La dernière ville sur terre permet à Thomas Mullen de mettre en scène une période de l’histoire américaine très agité et dense. Un premier roman qui a fait l’objet d’un travail de documentation historique impressionnant de la part de l’auteur.

D’une plume appliquée et rigoureuse l’auteur dresse le portrait de personnages dotés d’un lourd passé ou de convictions inébranlables. Des figures résistantes qui ont façonné l’histoire des États-Unis. Rebecca, la militante infatigable, Graham, l’ouvrier qui porte en lui le deuil de son premier amour et une rage irrépressible, Philip, l’orphelin qui souhaite faire ses preuves auprès de la communauté mais ne mesure pas le prix à payer.

Des portraits saisissants qui nous emportent dans une période de l’histoire que l’on étudie peu à l’école mais qui aurait pu être encore plus immersive si l’auteur avait su alléger sa plume. Soucieux de dresser le portrait psychologique le plus détaillé possible, l’auteur n’échappe pas aux digressions et aux passages oniriques qui alourdissent le texte.

Hormis cette rigidité dans le style, qui reste agréable, l’auteur met en avant une quantité non négligeable d’éléments historiques intéressants. Le traitement ignoble des objecteurs de conscience, la lutte sanglante des syndicats de la scierie pour de meilleures conditions de travail, la propagande gouvernementale pour la mobilisation dans l’armée et bien sûr l’épidémie de grippe espagnole. Tous ces éléments disparates sont réunis par l’auteur avec virtuosité, formant un arrière-plan historique des plus passionnants.

Il est regrettable que l’auteur ne soit pas parvenu à enrober ce tableau historique très détaillé avec une plume plus romanesque et moins didactique mais en l’état ce roman demeure une lecture passionnante par moments et offre un point de vue inédit sur la première guerre mondiale.

Résumé : Durant l’épidémie de grippe espagnole, une petite ville industrielle située au cœur des forêts brumeuses du Nord-Ouest Pacifique décide de se mettre en quarantaine, mais l’arrivée d’un soldat affamé et malade aura des répercussions terribles sur la communauté.

Éditeur ‎Rivages (4 janvier 2023)
Langue ‎Français
Broché ‎560 pages
ISBN-10 ‎2743658444
ISBN-13 ‎978-2743658441

Les grandes oubliés de l’histoire de Titiou Lecoq

L’Histoire secrète des femmes

L’histoire est écrite par les vainqueurs. Cette phrase toute faite est une affirmation qui se révèle bien souvent trop juste. L’autrice Titiou Lecoq se propose de lever un voile sur tout un pan de l’Histoire française tombé dans l’oubli, celle des femmes.

Patiemment, avec minutie et pédagogie, ainsi qu’un brin d’ironie et d’humour, elle nous démontre comment les femmes ont été progressivement écartées des grands moments de l’histoire afin que soit rédigé le grand roman national français.

Elle raconte comment la pensée misogyne s’est construite jusqu’à devenir une institution qui façonne encore notre manière d’appréhender notre rapport au monde. Elle n’omet pas d’évoquer comment, en réaction, ont émergé les premiers mouvements féministes.

Certaines grandes figures historiques féminines sont remises en avant, comme la reine Brunehaut, inconnue des livres d’histoire scolaires. Elle remet aux goûts du jour certaines légendes oubliées et remet les compteurs à zéro en ce qui concerne les grands moments de l’Histoire française afin de rappeler une vérité évidente, les femmes ont toujours été actrices de notre Histoire.

Aussi affligeant pour l’image de l’homme soit la lecture de cet ouvrage fort instructif, il soulève un point intéressant. Alors que l’on pourrait croire qu’il n’y a plus rien à dire sur notre passé, les nouveaux points de vue stimulants qui viennent écorner l’histoire officielle nous révèlent qu’au contraire tout reste à découvrir, et cela est fort enthousiasmant.

Cette entrée en matière dans les essais féministes interroge également sur les solutions à apporter pour que cesse ce dénigrement envers les femmes. L’éducation est bien entendue l’un des biais souligné par l’autrice mais le retard de l’éducation nationale met en lumière tout le travail qu’il reste à faire pour parvenir un jour à cette égalité tant désirée et méritée.

Résumé : tout temps, les femmes ont agi. Elles ont régné, écrit, milité, créé, combattu, crié parfois. Et pourtant elles sont pour la plupart absentes des manuels d’histoire.
 » C’est maintenant, à l’âge adulte, que je réalise la tromperie dont j’ai été victime sur les bancs
de l’école. La relégation de mes ancêtres femmes me met en colère. Elles méritent mieux. Notre
histoire commune est beaucoup plus vaste que celle que l’on nous a apprise. « 
Pourquoi ce grand oubli ? De l’âge des cavernes jusqu’à nos jours, Titiou Lecoq s’appuie sur
les découvertes les plus récentes pour analyser les mécanismes de cette vision biaisée de l’Histoire.
Elle redonne vie à des visages effacés, raconte ces invisibles, si nombreuses, qui ont modifié
le monde. Pédagogue, mordante, irrésistible, avec elle tout s’éclaire. Les femmes ne se sont
jamais tues. Ce livre leur redonne leurs voix.

Éditeur ‎Iconoclaste; Illustrated édition (16 septembre 2021)
Langue ‎Français
Broché ‎325 pages
ISBN-10 ‎2378802420
ISBN-13 ‎978-2378802424

Chien 51 de Laurent Gaudé

Monde de merde

Laurent Gaudé est un auteur touche à tout, pièce de théâtre, romans, poésie, aucun genre n’échappe à sa plume délicate. Avec Chien 51 il s’essaye au récit d’anticipation pour un résultat convaincant malgré son manque d’originalité.

En effet, quiconque a déjà lu des récits de science-fiction ne sera pas surpris par le futur peu engageant que nous propose l’auteur. Dans un pur esprit cyberpunk, l’auteur nous décrit un monde où les multinationales surpuissantes ont fini par prendre le pouvoir, où ceux qui osent se soulever sont réprimés jusqu’à la mort et où le climat n’en finit pas de se détériorer. La devise de ce monde est simple : servir ou périr.

Au sein de cet univers très référencé l’auteur narre une intrigue policière qui suit là aussi des sentiers très balisés, le duo d’enquêteurs antinomiques, les magouilles politiques et en personnage principal, Zem, un enquêteur dépressif, héritier des plus grands enquêteurs du roman noir. Il ne faut pas être lassé de ce genre de récit afin d’en apprécier le déroulement.

Malgré ce manque criant d’originalité le récit se révèle plaisant à suivre. Zem porte le récit sur ses épaules, avec ses traumatismes, ses fantômes dont il ne parvient pas à se débarrasser et son cynisme de vaincu harassé.Sa tirade cynique lors du dénouement vaut à elle seule la lecture de l’ouvrage.

Chien 51 offre un bon moment de lecture, parsemé de quelques passages poétiques, mais qui aurait mérité un soupçon d’originalité pour rester mémorable.

Résumé :  dans une salle sombre, au troisième étage d’une boîte de nuit fréquentée du quartier RedQ, que Zem Sparak passe la plupart de ses nuits. Là, grâce aux visions que lui procure la technologie Okios, aussi addictive que l’opium, il peut enfin retrouver l’Athènes de sa jeunesse. Mais il y a bien longtemps que son pays n’existe plus. Désormais expatrié, Zem n’est plus qu’un vulgaire “chien”, un policier déclassé fouillant la zone 3 de Magnapole sous les pluies acides et la chaleur écrasante.
Un matin, dans ce quartier abandonné à sa misère, un corps retrouvé ouvert le long du sternum va rompre le renoncement dans lequel Zem s’est depuis longtemps retranché. Placé sous la tutelle d’une ambitieuse inspectrice de la zone 2, il se lance dans une longue investi­gation. Quelque part, il le sait, une vérité subsiste. Mais partout, chez GoldTex, puissant consortium qui assujettit les pays en faillite, règnent le cynisme et la violence. Pourtant, bien avant que tout ne meure, Zem a connu en Grèce l’urgence de la révolte et l’espérance d’un avenir sans compromis. Il a aimé. Et trahi.
Sous les ciels en furie d’une mégalopole privatisée, “Chien 51” se fait l’écho de notre monde inquiétant, à la fois menaçant et menacé. Mais ce roman abrite aussi le souvenir ardent de ce qui fut, à transmettre pour demain, comme un dernier rempart à notre postmodernité.

Éditeur ‎Actes Sud (17 août 2022)
Langue ‎Français
Broché ‎304 pages
ISBN-10 ‎2330168330
ISBN-13 ‎978-2330168339

Jake de Bryan Reardon

Un titre-nom qui résonne comme un hurlement de douleur. Celui d’un père de famille qui voit son monde s’écrouler.

L’auteur propose un thriller haletant tourné du côté de personnes lambda qui se retrouvent projetées du jour au lendemain dans un maelstrom médiatique et juridique qui les dépasse et les annihilent.

Pour apprécier le récit dans son entièreté il vaut mieux le lire d’une traite afin de ne pas ressentir les longueurs habituelles en milieu de lecture.

Mais il faut aussi ressentir une empathie totale pour Simon, ce père au foyer, pétris de culpabilité, victime d’une très forte pression sociale, qui cherche depuis la naissance à être le père parfait aux yeux de tous jusqu’à s’en vouloir de ne pas sociabiliser avec les mères des autres enfants. Un portrait touchant d’un père en manque de confiance en soi. On traverse l’enfer familial que subit cette famille par son regard désespéré.

La grande force émotionnelle du récit survint lors de l’épilogue, particulièrement touchant. L’auteur parvient à conclure son récit en signant un vibrant appel à la compassion, le pardon et la résilience sans pourtant verser dans le mélo de manière abusive.

Une lecture qui s’apparente à un tunnel de l’horreur jusqu’à ce que surgisse la lumière.

Résumé : Simon Connolly est l’heureux père de deux enfants, Jake et Laney. Sa situation d’homme au foyer est pour le moins originale et Simon n’est pas toujours très à l’aise dans ce rôle. Mais, cahin-caha, la famille coule des jours paisibles… Jusqu’au matin où Doug Martin-Klein, un gamin insociable dont Jake est le seul copain, tire sur plusieurs camarades de classe avant de se donner la mort. Les survivants et les blessés sont peu à peu évacués, mais Jake est introuvable. Et très vite soupçonné d’être le complice de Doug. Commence alors pour Simon une véritable descente aux enfers. Comment une chose pareille a-t-elle pu arriver ? Comment a-t-il pu ne rien entrevoir du drame qui se profilait ? Jake est-il coupable ? Où est-il passé ?

Éditeur ‎Gallimard (8 février 2018)
Langue ‎Français
Broché ‎352 pages
ISBN-10 ‎207014724X
ISBN-13 ‎978-2070147243

Les fossoyeurs de Victor Castanet

Aux noms de nos aînés

Je n’aime pas ce monde, je n’aime pas la manière dont il est conçu, pensé, dirigé, constamment tourné vers le profit et l’oppression des plus faibles. Raison pour laquelle je me plonge inlassablement dans la fiction, dans l’espoir un peu vain d’oublier ce monde souillé par la cupidité humaine. Pourtant parfois il est bon de relever les yeux et de regarder la souillure en face.

Le scandale orpéa a eu suffisamment de retentissement pour que nous ayons tous, plus ou moins, une idée de ce en quoi il consiste. Encore une fois une entreprise dirigée par une bande d’être cupides pour qui seul compte l’argent est parvenu à tirer profit du système et à s’enrichir sur le dos de ses employés, de ses résidents et de leurs familles.

Mais la lecture minutieuse de l’ouvrage de Victor Castanet permet de se rendre compte de l’abysse inhumain que représente ce scandale, et qui va bien au-delà de la simple maltraitance humaine. Avec force détails, le journaliste expose toutes les strates qui font d’orpéa l’un des pires scandales sanitaires de ces dernières années. Il met à jour un système extrêmement élaboré qui permet d’enrichir quelques-uns pour le malheur de beaucoup d’autres.

Magouilles comptables, harcèlement moral, accointances politiques, syndicat créé de toutes pièces pour servir les intérêts du siège, trucages des effectifs afin de percevoir les financements publics, sans oublier les traditionnels pot de vin, il ne nous sera rien épargné afin que l’on puisse prendre la mesure de l’horreur qui se jouait sous nos yeux. Le tout dans un style clair et incisif que ne renierait pas un bon polar.

La lecture sidérante de cette enquête courageuse nous interroge sur le modèle de société que nous voulons et nous force à ouvrir les yeux sur un modèle capitaliste déshumanisé.

Résumé : Trois ans d’investigations, 250 témoins, le courage d’une poignée de lanceurs d’alerte, des dizaines de documents explosifs, plusieurs personnalités impliquées…
Voici une plongée inquiétante dans les secrets du groupe Orpéa, leader mondial des Ehpad et des cliniques. Truffé de révélations spectaculaires, ce récit haletant et émouvant met au jour de multiples dérives et révèle un vaste réseau d’influence, bien loin du dévouement des équipes d’aidants et de soignants, majoritairement attachées au soutien des plus fragiles.
Personnes âgées maltraitées, salariés malmenés, acrobaties comptables, argent public dilapidé… Nous sommes tous concernés.

Éditeur ‎Fayard (26 janvier 2022)
Langue ‎Français
Broché ‎400 pages
ISBN-10 ‎2213716552
ISBN-13 ‎978-2213716558

Querelle de Kevin Lambert

Tabernacle, ça envoie du bois

Une scierie en grève, des ouvriers déterminés, un patron au mépris de classe caractérisé, rien que de très banal de nos jours me direz-vous. Et pourtant, à partir de ce postulat de base, l’auteur Kevin Lambert tisse un récit dont les scènes vont se graver dans la rétine du lecteur.

Dès le prologue le ton est donné. Le récit sera trivial, décomplexé, outrancier mais sans jamais se départir d’une plume fouillée, teintée d’une poésie désabusée, même dans les moments les plus scabreux. Un style sans concessions qui interpelle, qui remue, qui vibre de passion et de colère mais qui, forcément, ne pourra pas plaire à tout le monde.

Car Querelle porte bien son nom. C’est un récit qui parle de lutte sous toutes ses formes. Lutte sociale oui mais aussi existentielle, avec Jezabel qui tente de se trouver une place dans un monde qui la révulse. Lutte d’affirmation, avec Querelle, le personnage-titre charismatique qui va bouleverser la tranquillité virile de la petite ville de Roberval. Lutte passéiste avec Jacques, le leader syndical qui assiste, impuissant, au délitement du monde qu’il a connu.

Le récit s’assemble autour de ces différents portraits de personnages, tous dépeints avec justesse, pour finir par s’apparenter une marmite bouillonnante d’une rage qui ne peut plus être contenue. Et lorsque la marmite déborde, il est trop tard, la fureur se déchaîne.

Il est dommage que l’auteur est préféré enchaîner les scènes violentes et dérangeantes plutôt que de tenter de narrer la révolte de manière crédible. Le dernier tiers du récit comporte un lot de scènes difficilement supportables qui extirpe toute crédibilité au récit. Celui-ci prend alors des allures de conte macabre qui atténue un peu le propos initial.

Malgré sa fin qui accumule les scènes choquantes sans véritable fond, Querelle reste une rencontre littéraire merveilleuse qui tantôt, ravie par ses portraits d’ouvriers en lutte, tantôt choque par ses scènes triviales qui en appel aux plus bas instincts.

Éditeur ‎NOUVEL ATTILA (23 août 2019)
Langue ‎Français
Broché ‎256 pages
ISBN-10 ‎2371000817
ISBN-13 ‎978-2371000810

Le silence selon Manon de Benjamin Fogel

Des soucis et des hommes

Le combat des femmes pour leurs droits dans la société n’a jamais été aussi central et critique. Il a divisé la société en deux pôles qui semblent irréconciliables. Benjamin Fogel s’empare de ce thème complexe pour livrer un polar psychologique futuriste, puisqu’il situe son action en 2025, mais sidérant de réalisme.

Autour du féminisme l’auteur invoque tout un tas de thèmes primordiaux, le masculinisme et le virilisme tout d’abord les penchants néfastes du féminisme, notre rapport naïf aux réseaux sociaux, le phénomène effarant des incels, ces célibataires involontaires qui crachent leurs haines à longueur de tweet, le courant musical du néo straight edge. Un ensemble de thèmes foisonnant servis à la manière d’un reportage.

Le style de l’auteur est en effet très propre, concis mais détaillé, en témoigne ce sommaire qui reprend la présentation d’une fiche wikipédia.
Un ton dépourvu de romanesque mais qui permet au récit de se parer des oripeaux de la réalité.
L’auteur dépeint une société sclérosée par ses dissensions absurdes. Le tableau qu’il en dresse est glaçant de réalisme.

Pourtant, malgré cette plume sèche qui va à l’essentiel, l’auteur parvient à dresser des portraits psychologiques saisissants. Ce qui débutait comme un constat accablant de notre société se transforme petit à petit en une plongée dans la psyché torturée d’un homme, la fin des illusions pour celui qui se rêvait en chevalier blanc du féminisme. L’exposé sidérant prend alors des allures psychose infernale qui renverse le tableau dépeint par l’auteur.

Le silence selon Manon se révèle donc plus sournois et surprenant que son approche un peu scolaire pourrait le laisser l’envisager. Il interroge notre rapport aux réseaux sociaux, nuance les luttes féministes, met à mal la misogynie et dissèque l’esprit des femmes et des hommes pour ne laisser que la criante vérité, la malveillance se dissimule même dans les plus ardents défenseurs de causes les plus nobles.

Résumé : Dans les années 2025, le monde occidental se caractérise par une montée de l’agressivité sur les réseaux sociaux et en particulier des cas de cyber harcèlement, au point qu’une unité spéciale de la police, dirigée par le commissaire Sébastien Mille, a dû être mise en place. Sébastien Mille s’intéresse de près aux manoeuvres des groupes masculinistes en France. L’Amérique du Nord avait déjà connu dans les années 2010 des attentats dont les auteurs se réclamaient du mouvement « incel » (pour «involuntary celibate) »autrement dit des célibataires forcés qui conçoivent une haine des femmes et de la société contemporaine qu’ils jugent trop favorable au féminisme.

Éditeur ‎Editions Payot & Rivages (7 avril 2021)
Langue ‎Français
Broché ‎352 pages
ISBN-10 ‎2743652772
ISBN-13 ‎978-2743652777